La théorie de l'attachement: Rappels Constats et Elargissements
Texte de Eric Loeillet (psychologue)
I. INTRODUCTION
La notion contemporaine de construction de la famille nest pas disjointe de celle de lenfant en développement.
Comme le dit Zazzo (1978), " il est rare quun événement, idée nouvelle ou fait nouveau, prenne allure de révolution, ( ), Et tout ce bouleversement saccomplit à partir du fait le plus banal, dun mot simple entre nous : Lattachement.. ".
Il sagit dun processus dynamique et interactif : si lenfant en développement joue un grand rôle actif, le parent lui aussi est en construction.
Cette construction sappuie sur des déterminants biologiques, mais lopposition entre le rôle de lenvironnement et le substrat biologique in utero, grâce aux recherches actuelles sur la sensorialité ftale, en diminuant la représentation discontinue du ftus et du petit enfant, a permis de situer dès la grossesse létude des liens familiaux.
Si la notion de préprogrammation réciproque de lenfant et de sa mère pour interagir rappelait les fondements biologiques du fonctionnement, les découvertes des vingt dernières années sur les capacités sensorielles précoces du nouveau-né ont montré le rôle actif de lenfant dans son propre développement, en particulier par sa capacité à rentrer en relation avec autrui.
Le modèle de lattachement développé par Bowlby à partir de 1958 provenait de la rencontre entre la psychanalyse et léthologie.
Dans ce cadre, lattachement de lenfant à sa mère constitue un besoin primaire qui sexprime sous la forme des comportements qui induisent ou maintiennent le contact ou la proximité avec la mère. Ces conduites innées se mettent en place progressivement chez lenfant au cours de la première année, assurant une " base de sécurité " qui fonde lamour maternel.
Cette théorie de lattachement, sur laquelle nous reviendrons, prend en quelque sorte le contre pied de la théorie de létayage.
Ce qui est premier dans celle-ci, cest la satisfaction dun besoin corporel sur lequel viennent se greffer le plaisir et laffection ; alors que dans la théorie de lattachement, ce qui est premier est une véritable communication entre la mère et lenfant, un besoin dêtre proche, même si cela nimplique aucune satisfaction des besoins de lorganisme.
Il nest pas sûr toutefois que les deux théories soient contradictoires et quon puisse les envisager dune façon complémentaire, lune venant éclairer certains points obscurs de lautre.
Au cours de ce document je souhaite dans un premier temps revenir sur la théorie de J. Bowlby de lattachement pour ensuite dans un second temps faire un bilan de lactualité de la théorie pour enfin élargir vers les nouvelles pistes de recherche en rapport avec la notion dattachement développé par Bowlby.
II. La théorie de lattachement de J. Bowlby :
Jusquen 1958, année de la publication des premiers articles de HARLOW et de la première édition de louvrage de BOWLBY, il y avait dans les travaux psychanalytiques ou dans les autres publications psychologiques quatre théories principales concernant la nature et lorigine du lien de lenfant.
Les voici :
De ses quatre théories, celle qui était de loin la plus largement répandue et la plus approuvée était celle de la tendance secondaire.
Depuis Freud elle avait sous tendu une grande partie des travaux psychanalytiques, et elle a aussi servi couramment dhypothèse aux partisans de la théorie de lapprentissage.
La théorie de lattachement formulée par Bowlby, rompt avec toutes les théories antérieures des premiers liens sociaux et affectifs de lenfant humain.
Elle peut se formuler ainsi : la construction des premiers liens entre lenfant et la mère, ou celle qui en tient lieu, répond à un besoin biologique fondamental ; Il sagit dun besoin primaire, cest à dire qui nest dérivé daucun.
Cette théorie, avec les travaux dHarlow et de Bowlby, arrive à maturité en 1958, et cest vers cette date que le terme dattachement est proposé pour le distinguer, sinon lopposer, à la notion dobjet libidinal, et à celle de dépendance émotionnelle.
John Bowlby, psychiatre, psychanalyste, est né en 1907.
Sa notoriété lui vaut dêtre désigné par lOMS pour mener une recherche sur la manière de minimiser les conséquences de la perte des parents chez les orphelins de guerre. En lisant la littérature et en rencontrant les spécialistes de lenfance les plus éminents dEurope et dAmérique, il perçoit quil existe entre eux un véritable consensus, portant sur limportance du lien mère (ou substitut)- enfant.
Cette prise de conscience sera lorigine du fil conducteur de ses recherches.
Bowlby est le premier psychanalyste à avoir proposé un modèle de développement et de fonctionnement de la personnalité ou théorie des instincts qui séloigne de la théorie des pulsions de Freud.
La théorie de lattachement repose sur lhistoire naturelle de lhomme, sur son évolution biologique. Lorsque John Bowlby a tenté de mettre en relation certaines intuitions psychanalytiques avec la recherche empirique il a eu recours à :
Charles Darwin a joué ici un rôle important, comme en témoigne la biographie de Darwin écrite par Bowlby et publiée quelques jours seulement avant sa mort en 1990.
Ses Méthodes :
Bowlby fait référence à son expérience de clinicien pour mettre en lumière certaines incohérences, selon lui, de lhéritage freudien.
Gêné par labord subjectif de lanalyse, il privilégie la méthode expérimentale.
Lune des grandes particularités de son uvre est davoir tenté dy intégrer les résultats des investigations portant sur le domaine animal.
Bowlby situe la spécificité de lhomme, par rapport à lanimal, au niveau dune communication infiniment plus développée et diversifiée entre les individus, grâce au langage.
Il prend en compte lidée que la personnalité se forme au cours de lenfance et même de ladolescence.
Ayant jeté une sorte de " pont " entre le jeune animal et lenfant de lhomme, il suggère de se centrer sur certaines constantes de comportement (soin des petits, accouplement), traductions visibles du monde extérieur de lindividu " normal " et donc de choisir un point de vue prospectif.
En terme de méthode, il soppose à la démarche historique de Freud qui fonde sa notion de stades à partir de faits ré-élaborés a posteriori par les patients appartenant plus ou moins au registre de la psychopathologie.
En revanche, il rejoint lapproche de Piaget dont les thèses sur la psychologie cognitive proviennent dobservations directes denfants, au cours de leur développement, dans un contexte de situation expérimentale.
Doù les critiques dun certain nombre de psychanalystes qui estiment que Bowlby fait léconomie de la question des désirs et des fantasmes.
Le comportement instinctif.
- Cest le comportement instinctif qui nest pas un acte stéréotypé mais un acte qui se conforme à un schème reconnaissable et dont la fonction est daboutir à un bénéfice pour lindividu ou lespèce donnée.
- Le comportement instinctif évolue au cours du cycle de la vie.
- Il nest pas hérité, ce qui est hérité cest le potentiel qui permet de développer, à partir dinformations reçues par les organes des sens, de source interne, externe ou des deux combinées, des systèmes de comportement ou stratégies. Il y a un système de contrôle ou système asservi (interaction, feedback, régulation).
Chez lhomme, même si, par ces capacités dinnover, il présente la particularité davoir créé une série denvironnements entièrement nouveaux, il faut néanmoins se référer, à partir de son milieu primitif, à son comportement instinctif qui, malgré toutes les étapes de son évolution, a abouti à sa préservation et à sa présence dans le monde daujourdhui.
Comme nous avons pu le dire plus haut, à travers ce concept Bowlby rompt avec toutes les théories antérieures des premiers liens sociaux et affectifs.
Il est en accord avec ses prédécesseurs pour reconnaître lexistence de besoins primaires, indispensables à satisfaire (celui de la nourriture, par exemple).
Il insiste sur cette notion en en rajoutant une autre jusquà présent considérée comme secondaire : Cest le besoin dattachement.
Son originalité repose sur lémission de lhypothèse que le besoin dattachement est lui aussi primaire et fondamental dans le développement de la personnalité.
Cette hypothèse repose sur la théorie du comportement instinctif dont un cas particulier avait été proposé par Lorentz, chez lanimal sous le nom dempreinte.
Dans ce sens il séloigne ainsi de Freud pour lequel les seuls besoins primaires sont ceux du corps, lattachement de lenfant nétant quune pulsion secondaire qui sétaye sur le besoin primaire de nourriture.
La théorie de lattachement soppose donc aussi biens à toutes les théories de lapprentissage social, pour lesquelles les liens affectifs se construisent avec des individus intervenant dans la réduction des besoins primaires que donc à la théorie psychanalytique comme nous lavons vu plus haut, pour laquelle le lien à la mère sétait sur la satisfaction du besoin de nourriture.
Répondant à des signaux (activation, terminaison) qui dérivent à la fois dinformations émanant de lorganisme (froid, faim, douleur) et de lenvironnement (bruit fort, obscurité )
Conduisant aux buts fixés, dans ce cas précis, assurer la proximiter avec un individu particulier, la mère, qui sera préféré entre tous.
Dans la mesure où le but fixé et atteint, le système comportemental est efficace et dautres signaux (dits signaux en feed-back négatif) font alors stopper lactivité du système en jeu.
Le bébé naît effectivement avec une vaste gamme de potentiels daction prêts à être activés
Autrement dit des réflexes archaïques, et qui sadressent progressivement à une figure de plus en plus déterminée.
Dans notre société il sagit plus particulièrement de la mère, dispensatrice le plus souvent des soins.
Selon la théorie de Bowlby, dès sa naissance, le nourrisson possède la plupart des compétences nécessaires à la mise en place dun système interactif avec le monde extérieur, qui lui permet de faire appel à ladulte qui soccupe de lui, dobtenir les satisfactions nécessaires à son bien être et de se sentir en sécurité contre tout danger.
Ce système devient plus complexe tout au cours de la première année et est organisé autour dune ou plusieurs figures significatives avec qui sétablit cette interaction.
Le terme attachement sapplique spécifiquement à ce système qui règle rapprochement et sécurité, en relation à une ou quelques figures significatives (Bowlby, 1969).
Dautre part, le processus dèveloppemental selon la théorie de lattachement ne réduit pas lenfant à une interaction étroite avec une figure significative durant la première année.
Le sentiment de sécurité qui est acquis constitue lélément essentiel qui va permettre à lenfant à partir denviron un an, lexploitation du monde extérieur.
Bowlby insiste beaucoup sur ce qui se déroule entre un an et trois ans, sur cette période où se construit la maîtrise de son corps et de lenvironnement.
Lenfant de cet âge est encore extrêmement sensible à la séparation à toute menace de perte des figures significatives, mais il est aussi naturellement porté vers lexploration, sil se sent assez en sécurité.
Chez un enfant donné, le complexe des systèmes comportementaux qui médiatisent lattachement se crée parce que dans lenvironnement familial ordinaire où la grande majorité des enfants sont élevés, ces systèmes croissent et se développent dune façon relativement stable.
A des fins danalyse plus poussée, Bowlby (1978) développe un certain nombre de phases, mais reconnaît quil ny a pas de limites nettes entre elles.
Il en a décrit quatre :
Au cours de cette phase, un enfant se comporte de certaines façons caractéristiques vis-à-vis des gens, mais son aptitude à faire une discrimination dune personne à lautre est soit absente, soit extrêmement limitée, par exemple il peut le faire seulement au moyen de stimuli auditifs. Cette phase dure de la naissance jusquà huit semaines au moins, et plus habituellement jusque vers douze semaines ; elle peut se poursuivre bien plus longtemps si les conditions ne sont pas favorables.
La façon de se conduire du bébé vis-à-vis dune personne dans son voisinage a plusieurs aspects :
Chacune de ces sortes de comportement infantile, en influençant le comportement de son compagnon, augmentera probablement la durée du temps où le bébé est à proximité de ce compagnon.
Après environ douze semaines, lintensité de ces réponses amicale saccroît. A partir de ce moment, il donne " une réponse sociale complète dans toute sa spontanéité, sa vivacité et avec joie " (Rheingold, 1961) in Bowlby, 1978).
Au cours de cette phase lenfant continue à se comporter vis-à-vis des personnes de la même façon amicale que dans la phase 1, mais il le fait de façon plus nette en direction de sa figure maternelle plutôt que des autres. Il est probable quon observera avant quatre semaines des réponses différentielles à des stimuli auditifs et avant dix semaines à des stimuli visuels.
Chez la plupart des bébés élevés dans des familles, en général elles apparaissent tout à fait évidentes vers la treizième semaine.
La phase dure jusquà six mois ou plus suivant les circonstances.
Ici non seulement un enfant manifeste de plus en plus la discrimination quil fait dans la façon dont il traite les individus, mais son répertoire de réponses sétend jusquà inclure le comportement de suivre lorsque sa mère part, de lui faire " fête " quand elle revient, et de lutiliser comme base à partir de laquelle il peut explorer.
Parallèlement, les réponses amicales et assez peu discriminantes à dautres personnes vont en déclinant. Certaines autres personnes sont choisies comme figures dattachement auxiliaires ; Dautres ne le sont pas. Les étrangers sont de plus en plus traités avec précaution, et, tôt ou tard, ils susciteront lalarme et le retrait.
Au cours de cette phase, certains des systèmes médiatisant le comportement de lenfant à sa mère sorganisent sur une base rectifiée quant au but. Et alors son attachement à sa figure maternelle est évident, et tous peuvent le constater.
La phase 3 commence habituellement entre six et sept mois, mais peut être retardée jusquaprès le premier anniversaire, surtout chez les bébés qui ont eu peu de contact avec une figure principale. Elle continue probablement pendant toute la seconde année et une partie de la troisième.
La proximité, dans cette phase, avec la figure dattachement commence à être maintenue par le nourrisson et par le jeune enfant au moyen de systèmes rectifiés quant au but dune organisation simple, utilisant une organisation simple, utilisant une représentation mentale topographique plus ou moins primitive.
Dans cette " carta mentale " la figure maternelle elle-même vient tôt ou tard à être conçue comme un objet indépendant, qui persiste dans le temps et dans lespace, et se déplace de façon plus ou moins prévisible dans un continuum despace et de temps.
Toutefois, même si lon est parvenu à ce concept, on ne peu peut pas supposer quun enfant puisse comprendre daucune façon ce qui influence les mouvements de sa mère vers lui ou len éloigne, ni quelle mesure il peut prendre pour changer le comportement de la mère.
Pourtant à un moment cela change. En observant le comportement de la mère et ce qui linfluence, un enfant en vient à inférer quelque peu les buts assignés de la mère et les stratégies adoptées pour les atteindre.
A partir de là, lenfant est en train dacquérir une compréhension intuitive des sentiments et des motivations de sa mère.
Lorsque lenfant en est arrivé à ce point, les fondations nécessaires pour que le couple développe une relation plus complexe réciproque, sont édifiées. Bowlby (1978) appelle cette relation une " association " et cest une nouvelle phase quil narrive pas à définir précisément dans le temps.
Pour Bowlby il est tout à fait arbitraire de dire à la suite de quelle phase lenfant devient attaché. A la phase 1, il nest certainement pas encore attaché alors que lon peut dire que cest également évident quil lest à la phase 3.
Par ces travaux sur des enfants de cet âge, Mary Ainsworth a démontré des liens étroits entre le système attachement et le système exploration, conduisant au concept de la mère comme base de sécurité (Ainsworth, Bell et Stayton, 1974).
Le comportement dattachement, présent donc dès le départ, va se diversifier, sélargir à des figures auxiliaires, et persiste toute la vie, se manifestant sous des formes assez variées, parfois même symboliques.
Le comportement dattachement, résultant à la fois dun besoin inné et dacquisitions, bien plus importants chez lhomme que chez lanimal a une double fonction :
De même que le nouveau né dispose de moyens tout prêts pour attirer lattention du congénère, celui-ci na pas à constituer un répertoire de réponses à ces signaux ou de moyens efficaces de stimulation : ceux-ci sont intuitifs, voire innés. Les liens dattachement sont donc à concevoir comme le fonctionnement dun système et non pas dun individu.
Si lattachement à un congénère, en général la mère, est crucial, des liens dattachement sont en général tissés avec plusieurs figures stables de lenvironnement de lenfant : père, fratrie, nourrice, etc.
Mais lhistoire de lattachement couvre toute la vie ; lattachement est, en effet, aussi présent à lâge avancé.
Mirjam Wensauer (1994) a évalué les représentations dattachement chez des grands-parents âgés. Elle a trouvé des différences surprenantes au niveau des points de vue sur la vie.
III. CONCEPT DATTACHEMENT, CONSTATS ET ELARGISSEMENTS DES RECHERCHES :
En fait où en sommes nous avec lattachement un quart de siècle après le colloque imaginaire de René Zazzo ?
Zazzo en 1974, a été linstigateur de ce fameux " colloque imaginaire " sur lattachement, publié chez Delachaux et Nieslé, colloque auquel avait contribué Bowlby.
Ce colloque était une entreprise aussi innovatrice quaudacieuse.
Il se concluait sur des atermoiements, les réactions virulentes ont eu lieu après le débat.
Zazzo, dans la préface à la seconde édition, en 1979, pense avoir touché à un dogme : " les critiques crient au sacrilège ".
Par simple constatation, le débat avec la psychanalyse se solde donc par un non-lieu et perd de son urgence, dans la mesure où la théorie de lattachement sest solidement ancrée dans la mesure quelle se réfère à un ensemble conceptuel et méthodologique qui lui est propre et reconnu.
Elle propose un élargissement du concept à léventail des âges de la vie, et son apport au niveau de la psychopathologie développementale et de la question de la transmission intergénérationnelle nest plus à démontrer.
Le débat provient actuellement plutôt de la psychologie et pointe certains domaines dans lesquels la théorie de lattachement doit encore affermir ses positions, notamment la question du tempérament, ou encore celle du rôle du père.
Serge Lebovici , propose pour sa par une perspective qui ne se laisse réduire ni à lenfant réel ni à lenfant du fantasme. Il suggère que la mère, portant son enfant dans ses bras, porte de fait un enfant multiforme :
Linteraction réelle et linteraction fantasmatique deviennent complémentaires ; la sexualité infantile inconsciente de la mère autant que ses références culturelles entrent dans le " maillage " transgénérationnel.
Il a su créer en France un intérêt pour les processus transgénérationnels, où lattachement trouve une certaine complémentarité avec la psychanalyse.
Sous son impulsion, plusieurs auteurs francophones se sont récemment intéressés à comparer les perspectives de la psychanalyse et de lattachement sur ce point, insistant sur leurs contrastes (Golse, 1995) et leurs complémentarités " Harfon et al., 1997).
B. Attachement et transmission intergénérationnelle.
On peut soutenir que lun des apports considérables de la théorie de lattachement a été de proposer un modèle rigoureux de la transmission intergénérationnelle du psychisme de la mère à celui de lenfant.
Brièvement les faits sont les suivants.
Rappelons tout dabord que les contributions de Mary Ainsworth et de Mary Main à la théorie sont concrétisées sous la forme des deux dispositifs expérimentaux, qui constituent lassise de la " situation étrange " (Ainsworth, 1978), qui décrit les types de comportements du jeune enfant en réponse à une séparation de son parent, et, dautre part, de l " entretien dattachement adulte " (Main, 1985), qui décrit des catégories de représentations dattachement.
La littérature a mis en évidence un effet massif de correspondance intergénérationnelle entre, dune part, les types dattachement du bébé à sa mère dans la situation dune part dans la situation étrange, et, dautre part, les catégories de la mère dans lentretien dattachement.
Les études sur ce sujet ont été rassemblées dans une méta analyse (Von Ijzendoorn, 1995).
Celle-ci indique, sur 661 dyades mère bébé étudiées, une correspondance de 70% entre les catégories dattachement maternelle et celles de lenfant.
Le fait est dautant plus remarquable que les deux procédures se référent à des méthodes totalement différentes.
Il y a ainsi un impressionnant faisceau de preuves empiriques pour étayer le bien fondé des hypothèses transgénérationnelles élaborées dans la perspective de Bowlby.
Mais le modèle de base de lattachement est si fortement ancré sur la mère et sur la sensibilité maternelle que la question du rôle du père dans les premiers attachements du bébé, depuis longtemps abordée (Lambs, 1977) doit sans cesse être rappelé (Le Camus, 1997).
IV. Conclusion
Notre époque a su, de manières différentes accorder à lattachement, du moins chez les bébés et les enfants, une attention plus scientifique que par le passé.
Dans l'étape actuelle de la théorie, lélargissement des méthodes et des âges étudiés constitue une protection contre les risques de sclérose et de rigidification.
On ne saurait oublier que cette théorie comporte des enjeux pour le grand public, et quels furent les effets dévastateurs de sa " normalisation ", à ses débuts surtout, où elle a parfois été transformée en impératif idéologique.
Elle a en effet contribué au désarroi et à la culpabilité dune génération de parents (il suffit de rappeler le débat autour de la nocivité de la crèche).
Pour Bowlby, lattachement devrait servir non pas la dépendance, la fermeture, mais bien louverture, la curiosité.
Parmi les questions centrales pour les recherches futures relatives au développement de lattachement, il y aura probablement celles de savoir quel types dexpérience dattachement mènent à quel type de représentations langagières ; ou encore à quel point la représentation que lon a de soi-même est ouverte, émotionnellement, à une reconstruction significative et réaliste de son modèle interne opérant (Bowlby, 1988).
Comprendre les processus en jeu dans le développement de lattachement, du berceau au tombeau, a motivé Bowlby (Bowlby, 1991) à trouver une réponse sous forme doutil pour lintervention thérapeutique.
Bien quelle nen soit plus à ses débuts, il est nécessaire que la théorie de lattachement accorde une plus grande attention au rôle du père dans le développement affectif de lenfant.
Ne plus considérer le père comme une seconde mère mais plutôt tenir compte sans a priori du style dinteractions quil favorise avec son enfant semble important si lon veut déterminer les spécificités de cette " autre dyade ".
Cette question de la contribution du père, elle aussi distincte de linfluence maternelle paraît indispensable dans létude du développement psychique de lenfant.
Enfin et pour finir, malgré limportance des représentations et des modèles des parents, il faut éviter denvisager un déterminisme de la transmission intergénérationnelle des modalités dattachement. Le bébé joue lui aussi un rôle important dans les échanges avec ses proches (Mazet, 1996 ; Lebovici, 1994).
V. Bibliographie
Bowlby J. : Attachement et perte : I. " lattachement ", II. " Séparation, angoisse et colère ". 1ère ed., PUF, Paris, 1978. III. " la perte, tristesse et dépression ". 1ère ed., PUF., Paris, 1984.
Golse B. : Le développement affectif et intellectuel de lenfant., 3e éd., Masson, Paris, 1995.
Grand dictionnaire de la psychologie : Attachement, 2e éd. Larousse, Paris, 1992, p.76.
Grossmann K.E., Grosssmann K. : Développement de lattachement et adaptation psychologique du berceau au tombeau., in ENFANCE, n°3, 1998, p. 44 à 48.
Lebovici S. : la pratique des psychothérapies mères-bébés par Bernard Cramer et Francisco Palacio-Espasa. Note de lecture, Psychiatrie de lenfant, n° 37 (2), 1994, p.415 à 427.
Le Camus J. : présentation, Enfance, n°3, p. 337 à 350 (numéro spécial le père et le jeune enfant), 1997.
Miiljkovitch R., Halfon O. : La contribution distincte du père et de la mère dans la construction des représentations dattachement du jeune enfant ., ENFANCE, n°3, 1998,p. 103 à 113.
Mazet Ph. : Psychiatrie de lenfant et de ladolescent., éd. Maloine, Paris, 1996.
Pierrehumbert B. : Le colloque imaginaire : une génération plus tard. in ENFANCE, n°3, 1998, p. 3 à 12.
Reuchlin M. : Psychologie., 9e éd., Paris, 1991, p. 437 à 442.
Robin M., Casati I., Candilis-Huisman D. : La construction des liens familiaux pendant la première enfance, Approches francophones., 1ère éd. PUF, Paris, 1995
Stern D., :. Mère- enfant, les premières relations, Mardaga, Bruxelles, 1981
Wallon H. : Les origines du caractère chez lenfant, PUF, Paris, 1970.
Zazzo R. : Lattachement. 2e éd. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, Paris, 1979.