L'évolution motrice de l'enfant...


La PsychoCité d'Eric...


par Alain Bingler, kinésithérapeute, SESSD, Association des paralysés de France de Boissy Saint Léger

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Pendant longtemps, l'évolution motrice a été comprise comme un apprentissage progressif par l'enfant du contrôle de son système musculaire : activité motrice générale et activité motrice fine (adresse gestuelle). Nous allons étudier dans une première partie comment l'enfant, à partir de ses compétences innées, parvient à organiser sa posture et, dans une seconde partie, comment il utilise ses aptitudes motrices volontaires.

 

 

L'observation du développement moteur des enfants, quel que soit le mode culturel de stimulation, met en évidence certaines constantes : l'enfant tient (sauf exception) assis avant de tenir debout. Ces constantes laissent à penser que cette prise de contrôle de la motricité ne peut être construite qu'à partir de potentialités innées qu'il fallait mettre en évidence. Plusieurs auteurs se sont penchés sur cette question. En premier lieu, Gesell a décrit des stades moteurs, allant des tout premiers items maîtrisés par l'enfant, jusqu'à la station debout et la marche. Ces items étaient des étapes que l'enfant franchissait à un âge moyen indiqué par l'auteur : assis sans appui = 9 mois, debout = 12 mois, marche libre = 15 mois.

 

 

Dates d'apparition des stades moteurs (âges statistiques moyens)

 

8 semaines Zone 1
12 semaines Zone 2
16 semaines Zone 3
20 semaines appui sur les membres supérieurs étendus (phoque)
4 à 6 mois tiré-assis
6 mois tient assis avec l'appui des mains
5 à 7 mois retournement du dos sur le ventre
7 mois réactions parachute antérieures
7 à 8 mois tient assis sans appui
7 à 8 mois tient debout à l'appui lorsqu'on l'y place
8 à 9 mois tient longtemps assis au sol, les jambes allongées
9 mois tient debout à l'appui avec le tronc redressé
9 mois passe en petit lapin
9 mois passe à genoux dressé avec appui des mains
9 à 10 mois reptation
9 à 10 mois réactions parachute latérales
9 à 10 mois se met debout en s'aidant fortement des bras
9 à 11 mois marche à quatre pattes
10 mois marche en poussant un objet
11 mois réactions en parachute postérieures
11 mois se déplace debout le long d'un appui
11 mois marche tenu par les deux mains
12 mois marche tenu par une seule main
13 à 15 mois marche seul
18 mois tombe rarement, fait quelques pas en arrière
18 mois se met debout sans l'aide des mains
18 mois court maladroitement
18 mois monte l'escalier tenu par une main
18 mois grimpe partout
21 mois descend l'escalier tenu par une main
21 mois monte l'escalier seul en tenant la rampe
21 mois marche en terrain irrégulier

 

 

D'autres auteurs ont mis en évidence l'existence de réponses dites réflexes que l'enfant présente dès la naissance. Une des caractéristiques de ces réflexes est de disparaître à un âge donné de l'enfant, âge variant de quelques semaines à 7 mois. Leur présence ainsi que leur disparition dans la fourchette d'âge donné par les études statistiques est considérée par certains auteurs comme un signe de validité de l'état moteur de l'enfant. La normalité de ces réponses réflexes ne permet cependant pas de garantir la qualité du développement de la motricité de l'enfant. André Thomas en 1952 et Sainte-Anne-Dargassie en 1975 ont repris ces données en les affinant dans leur description et leur champ d'application.

à partir de 1981, Michel Le Métayer a cherché à décrire d'autres bases à la motricité du jeune enfant : ce sont les aptitudes motrices innées, non appelées à disparaître, qui constituent, elles aussi, un potentiel organisé à partir duquel le nourrisson peut construire sa motricité. L'étude de ces aptitudes innées a permis de mettre en évidence diverses fonctions qui servent de fondation à toute activité motrice, ce sont : les fonctions posturales antigravitaires; les fonctions locomotrices; les fonctions cinétiques.

 

 

– La fonction de soutien : elle décrit comment, à partir d'un point d'appui (sol, table, main de l'examinateur), l'enfant va développer une réponse motrice organisée, modulée dans son intensité, dans la répartition des contractions musculaires, afin de réagir activement contre la pesanteur.

Exemple : si l'on place le nourrisson debout, au bord de la table, l'enfant prend appui sur ses pieds et maintient cet appui tant que le poids de son corps s'exerce sur ses pieds.

– La fonction de maintien : le nourrisson présente déjà cette aptitude de pouvoir maintenir une partie de son corps en suspension au-dessus du vide. Exemple : couché sur le côté, l'enfant peut maintenir le membre inférieur supérieur au dessus du plan du lit, sans contact avec celui-ci. Il faut souligner combien cette fonction de maintien postural est intriquée avec la fonction de soutien. Ce n'est en effet qu'à partir de l'appui (soutien) que le maintien peut se développer et être fonctionnel.

– La fonction de redressement : elle correspond à l'ensemble des contractions musculaires organisées qui permet l'élévation ou l'abaissement d'une partie du corps. Exemple : dans le passage couché-assis en appui sur un bras, le tronc se redresse activement vers la station assise.

– La fonction d'équilibration : cette fonction permet au corps de réagir et de s'adapter au changement de position d'une autre partie du corps. Exemple : l'enfant à califourchon sur notre cuisse, l'inclinaison de son bassin à droite ou à gauche entraîne une incurvation compensatrice de son tronc vers la gauche ou vers la droite. Cette réaction motrice dure aussi longtemps que dure la stimulation appliquée au bassin.

 

 

Ce sont des programmes moteurs s'enchaînant automatiquement à partir de données proprioceptives (perception des parties du corps dans l'espace). Exemple : la reptation : placé en position de reptation en appui sur le flanc gauche, l'enfant, percevant le mouvement de propulsion induit par l'examinateur (appui du genou, extension-dérotation de la hanche vers la rotation interne), développe un enchaînement moteur qui l'amènera en position inverse de celle de départ, c'est-à-dire en appui sur le flanc droit, le membre inférieur gauche élevé en flexion, abduction, rotation externe (fig. 3).

 

 

 

Elles concernent la commande du geste en vue d'une activité motrice fine ou orientée vers un but. Nous venons de voir que, quelle que soit la position prise par l'enfant ou bien imposée par l'examinateur, le corps est engagé dans un ensemble de réponses à caractère automatique et non réflexe (automatique signifiant ici que l'enfant répond à un schéma moteur programmé mais qu'il lui est possible, volontairement, de modifier cette réponse, alors que toute réponse réflexe ne peut être modifiée par la volonté du sujet).

C'est pourquoi ces réponses permettent à l'enfant de construire, sur cet ensemble automatique, une activité gestuelle qui, elle, est volontaire (exemple : préhension, tableau 2). Exemple : l'enfant est assis, maintenu en appui sur un bras. Il lui est possible de pianoter avec ses doigts alors que le membre supérieur est engagé dans sa réponse d'appui.

 

Ces diverses fonctions innées, globales et automatiques sont le fondement même de toute motricité organisée. Elles permettent l'adaptation du corps à chaque instant au milieu de vie dans lequel nous vivons, c'est-à-dire l'adaptation automatique du corps à réagir contre la pesanteur, tout en permettant le geste volontaire.

 

 

S'il est indispensable de reconnaître et d'évaluer ces diverses fonctions pour analyser la motricité d'enfants ou d'adultes handicapés, leur description n'est pas un outil commode pour aborder la motricité de l'enfant valide. C'est dans cet objectif qu'ont été dégagées d'autres grilles d'observation clinique de cette motricité. Elles prennent en compte ces fonctions antigravitaires, les incluent dans un cadre plus large, plus synthétique. Elles décrivent les conduites motrices adaptant la motricité du nourrisson ou du jeune enfant aux conditions d'environnement dans lequel il se trouve. Ces programmes moteurs sont encore appelés schémas neuro-moteurs (en anglais patterns). Ils vont constituer les diverses briques qui construisent le mouvement, le ciment entre ces briques étant apporté par l'activité volontaire donnant à l'enfant ou à l'adulte le loisir de modifier sa position.

 

Définition : Un schéma neuro-moteur est une réponse innée, régulée dans l'espace et dans le temps, dans laquelle les contractions musculaires sont organisées de manière globale et automatique, permettant au corps d'adapter sa position à une stimulation extérieure (motricité provoquée) ou à un changement de position d'origine volontaire.

En résumé, le nourrisson ou le jeune enfant valide dispose de comportements moteurs organisés, lui permettant de placer automatiquement son corps dans l'espace, dans des situations qui lui laissent la possibilité d'agir sur le monde extérieur, tout en équilibrant très exactement ses réponses motrices contre la pesanteur.

Nous allons retrouver ces diverses adaptations à travers toute l'évolution motrice de l'enfant, de la position couchée du nourrisson à la station debout et à la marche du jeune enfant, ou bien encore dans des activités de course, de saut ou des activités sportives encore plus élaborées (danse, équitation, sports de combat...). L'ensemble des schémas et photographies qui suit décrira de façon claire et concrète ces schémas neuro-moteurs et l'évolution de l'enfant.

 

 

 

Le Métayer M., Le développement moteur de l'enfant. Évolution de la locomotion au cours des trois premières années de la vie. Motricité cérébrale, 1992, 13 (3), 81-103.

Le Métayer M., évaluation clinique de la motricité globale. Motricité cérébrale, numéro spécial, Hommage au Pr G. , Tardieu, 1986.

Le Métayer M., Bilan neuro-moteur du jeune enfant. Encyclopédie Médico Chirurgicale, Paris, Kinésithérapie, 26028 B 20-4, 1989.

Pécheux M.G., Le développement des rapports des enfants à l'espace. Paris, Nathan Université.

Saint-Anne d'Argassies S., Le développement du nouveau-né à terme et prématuré. Paris, Masson, 1974.

Tardieu G., Les feuillets de l'Infirmité Motrice Cérébrale. Paris, ANIMC.

Tardieu G., Le dossier clinique de l'IMC. 3° édition refondue, Paris CDI, 1984.

 

(Référence : Association des paralysés de France. Déficiences motrices et handicaps, Aspects sociaux, psychologiques, médicaux, techniques et législatifs, troubles associés. Paris : Association des paralysés de France, 1996, 505 p., p. 111-116)

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